L’Afrique, toujours incognito
C’est mon premier constat avec deux journées à La Haye où je suis invité par le gouvernement néerlandais en tant que blogueur journaliste africain. Objet : comprendre le fonctionnement des instruments juridiques internationaux telles la Cour pénale internationale, la Cour internationale de Justice et la Cour permanente d’arbitrage.

Un Européen qui ignore tout sur le Burundi ? C’est normal. On digère. Mais…toute l’Afrique ? Quand même ! Là, j’ai éclaté. Une histoire aux épisodes interminables. Tout commence dès mon atterrissage à Amsterdam ce dimanche 16 novembre 2014. Jeune Africain qui nage dans un océan d’Occidentaux. Je joue le fils de la maison. Je serre les dents. Je pose peu de questions, je sais où se positionne mon chauffeur de taxi. Destination : mon hôtel, dans la ville de La Haye. Curieux, dans les autoroutes d’Amsterdam, assis sur le volant de son taxi plus confortable que les meilleures bagnoles de Buja, je dis vrai, le chauffeur lance la conversation.
Where are you coming from ? Son anglais titube comme le mien. C’est mieux. Le jeu est équilibré.
Moi : Burundi
Chauffeur : Where?
Moi : BU-RU-NDI ! J’ai envie de lui casser les tympans. Il reste gentil, ne réagit pas, et une idée me traverse l’esprit. J’enchaîne : Do you know Burundi ?
Chauffeur : No !
Moi : Is it the first time that you hear about Burundi?
Chauffeur : Yes !
Moi : What ! Il n’a peut-être pas entendu bien la question. Elle est mal formulée, oui. Les mots sont mal choisis, oui. Le niveau d’anglais n’est pas fameux, mais il a dû saisi l’essentiel me dis-je. Je repose ma question, pas de changement. Un peu choqué, je cherche une référence pour lui donner une idée de ce qu’est le Burundi. Voilà. Un nom surgit de ma petite cervelle : « Le Rwanda ! » Le chauffeur hoche la tête. Je tourne les yeux, gratte ma tempe. Et la réponse fuse : « Where people killed themselves ? ». Il ne savait visiblement que ça sur le Rwanda. Un coup de froid dans le dos, la phrase me froisse. Et le taxi arrive. Heureusement. J’ai quitté la voiture, bourré d’interrogations dont la principale : quelle image avons-nous donnée au monde ?
Même la Côte d’Ivoire ?
Comme chaque journée va avec son épisode. Mes amis ivoiriens m’offriront une belle occasion de rire un peu. C’est un peu méchant de ma part, mais…
Nous voici dans un magasin électronique devant une caissière pour régler les factures. Et cette dernière lance la conversation. Devant elle se trouvent des Africains qui parlent tout sauf l’anglais. Elle pose la question : « Are you in visit ? »
Les Ivoiriens : Yes. We come from Côte d’Ivoire. J’essaie de rectifier en soufflant dans les oreilles de l’un d’eux : « Dites Ivory Coast ». Il ne m’écoute point. « C’est la Côte d’Ivoire monsieur ! ». Ok. Je me calme. La caissière n’entend que du chinois tout comme mon chauffeur de taxi la veille. Cinq minutes plus tard : « Ivory Coast ! ». J’avais raison finalement. Sauf que la jeune fille, aux apparences d’une Indienne, ne sait visiblement rien, rien du tout, sur l’Afrique. Elle se rabat sur son ordi pour « googler » la Côte d’Ivoire. Mes amis essaient, tout comme moi avec mon chauffeur de taxi, de l’aider. Mais eux, ils ont de quoi présenter : « Drogba ! » « Who ? », rétorque la fille. « Didier Drogba ! » En Afrique tout le monde connaît Didi non ? Pourtant aucune info sur la star du foot européen de la part de la caissière. Et j’avais envie de lui demander : « Pourquoi moi je connais Van Persie, Arjan Robben, supporte Ajax d’Amsterdam dans mon petit coin à Buja? » Je digérai cette découverte, mais je rentrai cuit, mes amis ivoiriens grillés.
On attend le troisième épisode…
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